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Marcel CARTRON (1912-1944)

Portrait de marcel CARTRON

Marcel Jules Valentin CARTRON est né le 18 mai 1912 au Breuil-Barret (Vendée). Il est le fils d’Henri CARTRON, employé aux chemins de fer, et d’Olinda ROUSSEAU.

Le 9 avril 1934, Marcel CARTRON épouse Madeleine CHARRON à la mairie du 10e Arrondissement de Paris. Le couple a deux enfants : Michel (1934-1981) et Jean-Paul, né en 1942.
La famille est installée rue de Nantes à Courville-sur-Eure en Eure-et-Loir (la Route Nationale 23 qui reliait alors Chartres à Nantes, aujourd’hui partagée en quatre rues). Marcel CARTRON est mécanicien automobile et propriétaire d’un garage.

En 1943, Marcel CARTRON est recruté par Maurice DUMAIS (1), maire de Saint-Luperce. Il est sous les ordres de Georges LEGER (2), Capitaine Paul, responsable des opérations militaires depuis le printemps 1943, au sein des F.T.P. pour le département d’Eure-et-Loir.

L’automne 1943 et l’hiver 1944 voient l’intensification des arrestations. Le minutieux travail conjoint des services de police allemands du lieutenant SS Lorenz KREUZER (3) bénéficie de l’aide des autorités françaises. Pierre LE BAUBE (4), préfet d’Eure-et-Loir, est un auxiliaire très zélé qui exige des résultats de la police française. Les inspecteurs Louis DENUZIERES (5) et Maurice VERNEY (6) aidés par les dénonciations (7) et les imprudences de certains patriotes (8) désorganisent les groupes F.T.P. en profondeur.

C’est dans ces circonstances que le 21 janvier 1944, Marcel CARTRON est arrêté à son domicile. Roger SAGET (9), de Saint-Georges-sur-Eure, est arrêté le même jour. Maurice DUMAIS et Paul ESPERET (10) tombent également. Georges LEGER et Jean FROMAGEAU sont parvenus à s’échapper alors qu’ils participaient à une réunion chez Paul ESPERET.

Entre octobre 1943 et février 1944, ce sont entre 140 et 150 personnes (11) qui sont arrêtées et incarcérées dans la prison de Chartres, rue des Lisses. Les interrogatoires ont lieu rue des Vieux Capucins, au siège du Sipo-SD, la police de sécurité allemande.

Dans la nuit du 7 au 8 mars 1944, deux cars transfèrent 32 prisonniers à la prison de Fresnes.
Le 13 mars, dans une baraque Adrian édifiée dans la cour de la prison de Fresnes, se réunit le tribunal militaire allemand de Chartres, déplacé pour l’occasion.
Les accusés bénéficient d’un avocat désigné d’office, un militaire allemand. Pour Marcel CARTRON, il s’agit du caporal KORDGIEN.

L’acte d’accusation parvient à établir la participation de Marcel CARTRON à la tentative de sabotage d’une voie ferrée près de Courville-sur-Eure le 11 octobre 1943 ; opération à laquelle participent Roger SAGET et Maurice PELTIEZ (12), Maurice DUMAIS et Paul ESPERET sont impliqués dans la préparation de l’action. Marcel CARTRON, porteur d’un pistolet mitrailleur est chargé de la protection de ses camarades.

Le 15 mars, le tribunal prononce la condamnation à mort des 32 accusés. Des recours en grâce sont introduits, les condamnés en apprennent le rejet le matin du 30 mars peu avant dix heures. Seul Louis PIPET bénéficie d’une mesure de clémence : il est déporté en Allemagne.

Le 30 mars 1944, à 14h15, deux camions emmènent les 31 condamnés, assistés d’un aumônier militaire allemand, l’abbé STEINER (13), au Mont-Valérien. Les exécutions ont lieu par groupes de cinq et durent environ trois heures. D’après les documents allemands, il semblerait que Marcel CARTRON a été exécuté en même temps que Roger SAGET, Jean SALIOU et François DARGENT.

Marcel CARTRON est inhumé à Ivry-sur-Seine, où reposent encore aujourd’hui nombre de fusillés dont plusieurs du groupe des 31 d’Eure-et-Loir tels Jean SALIOU et Jules VARIN.

Ramené d’Ivry, le corps de Marcel CARTRON est inhumé à Janville (Eure-et-Loir) le 3 décembre 1944. La cérémonie réunit des élus (Henri TRIBALLET, député, Maurice VIOLLETTE, président du Conseil Général), des membres des familles des fusillés (Charlotte DUMAIS, veuve de Maurice DUMAIS, Charles MARTIN, père de Pierre MARTIN), Jean FROMAGEAU, résistant de Courville-sur-Eure, Jean DROGOU, chef du groupe FTP « Narval » de Janville… Marcel CARTRON est inhumé dans le caveau de ses beaux-parents, Augustine et Léopold CHARRON.

Sépulture de Marcel CARTRON à Janville
Sépulture de Marcel CARTRON à Janville
Clichés ARMREL

A titre posthume, Marcel CARTRON est homologué sous-lieutenant F.F.I., il est titulaire de la Croix de Guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance. Par décret du 2 avril 1959, Marcel CARTRON est nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur.
La citation à l’ordre de l’Armée, qui lui vaut l’attribution de la Croix de Guerre, présente un résumé de ses états de service : « Résistant dès 1940, a saboté volontairement les voitures allemandes. A aidé plusieurs réfractaires à se soustraire aux recherches de la police. A participé à plusieurs sabotages de voies ferrées sur la ligne Paris – Le Mans le 30 juillet 1943 et le 18 octobre 1943. Arrêté par la Gestapo (14) le 21 janvier 1944 a été condamné à mort et exécuté au Mont Valérien le30 mars 1944. »

A Courville-sur-Eure, place des Fusillés de la Résistance, une plaque apposée sur la façade arrière de l’Hôtel de Ville rappelle le souvenir de Marcel CARTRON, associé à celui de Paul ESPERET, Maurice DUMAIS et Roger SAGET.

Plaque Commémorative - Courville-sur-Eure
Plaque Commémorative - Courville-sur-Eure
Clichés ARMREL

Le nom de Marcel CARTRON est porté sur les monuments aux morts de Courville-sur-Eure et Saint-Georges-sur-Eure. Il figure également sur la plaque commémorative de l’église de Saint-Georges-sur-Eure et sur la cloche du Mont-Valérien, inaugurée en 2003.

Le 14 juin 2011, le conseil municipal de Courville-sur-Eure décide d’attribuer le nom de Marcel CARTRON à une nouvelle voie dans le quartier de l’Eolienne (15). L’inauguration a lieu le 8 mai 2015.

Rue Marcel CARTRON à Courville-sur-Eure
Rue Marcel CARTRON à Courville-sur-Eure
Clichés ARMREL

Cette biographie a été rédigée à la demande de M. Louis-Marie BRIFFAUD,
Maire du Breuil-Barret, village natal de Marcel CARTRON.

Notes

(1). Maurice DUMAIS (1885-1944), agriculteur et maire de Saint-Luperce, proche du préfet Jean MOULIN. Recruté par Georges LEGER, il fait de sa ferme du Mousseau une plate-forme logistique pour les résistants et les réfractaires. Il est le plus âgé des 31 fusillés du 30 mars 1944.

(2). Georges LEGER (1910-1944), responsable militaire des F.T.P. à compter du printemps 1943, il échappe aux investigations des Allemands, grâce notamment à son génie du déguisement. Après la chute des groupes d’Eure-et-Loir, il se réfugie à la frontière avec l’Eure et forme le groupe VIGNY, du nom d’un de ses camarades fusillé. Il trouve la mort le 15 août 1944 à Dampierre-sur-Avre.

(3). Lorenz KREUZER (1897-1976), officier SS, responsable du SIPO-SD de Chartres de 1942 à 1944. Arrêté en Allemagne, traduit en justice, il est condamné en 1950 à la prison perpétuelle ; il est libéré dans les années soixante.

(4). Pierre LE BAUBE (1884-1966), Préfet d’Eure-et-Loir de novembre 1941 à janvier 1944, il porte la responsabilité de la traque des résistants F.T.P. dans le département. Condamné à mort par la Cour de Justice d’Orléans le 12 septembre 1945, il échappe à l’exécution grâce à de puissantes relations (Pierre LE BAUBE est le beau-frère d’Emile SERVAN-SCHREIBER).

(5). Louis DENUZIERES (1903-1945), inspecteur de la Ve Brigade de Police d’Orléans, il contribue à l’arrestation de nombreux F.T.P. du département. Traduit devant la cour de justice d’Orléans, il est condamné à mort le 12 septembre 1945 et fusillé.

(6). Maurice VERNEY (1912-1987), inspecteur des Renseignements Généraux, proche de Pierre LE BAUBE, un des acteurs des arrestations et des interrogatoires des F.T.P. Traduit devant la Cour de Justice d’Orléans, il est condamné à un an de prison et cinq ans d’indignité nationale puis finalement amnistié.

(7). Parmi les dénonciateurs, à noter le rôle d’un jeune espagnol nommé CORTEZ, ouvrier agricole qui met la police sur la piste de René SAVOURE, responsable F.T.P.

(8). Trop bavard, Louis PIPET (1918-1945), jeune membre des F.T.P., est arrêté par les policiers français. Raymonde PIPET, son épouse, devient la maîtresse des inspecteurs DENUZIERES et VERNEY et fournit des renseignements. Condamné à mort avec les 31, Louis PIPET voit sa peine commuée en déportation. Il est dirigé sur Buchenwald le 12 mai 1944. Il meurt dans un bombardement en février 1945… Plusieurs déportés survivants évoquent l’opportunité d’un règlement de comptes…

(9). Roger SAGET (1919-1944), contrôleur laitier à Saint-Georges-sur-Eure, F.T.P. recruté par Maurice DUMAIS, fusillé le 30 mars 1944.

(10). Paul ESPERET (1896-1944), horloger à Courville-sur-Eure, rue de Nantes, responsable F.T.P., son sacrifice permet à Georges LEGER et Jean FROMAGEAU d’échapper aux Allemands venus les arrêter, fusillé le 30 mars 1944.

(11). Bon nombre d’entre eux sont déportés, principalement à Buchenwald comme Denis CUROT, Louis SYMPHORIEN, Camille FAUVEAU, Martial MONNIER ; d’autres sont dirigés sur Mauthausen comme Amand RAIMBERT et Fernand PETIT.

(12). Maurice PELTIEZ (1909-1944), maçon à Saint-Martin-de-Nigelles, proche de Georges LEGER et un de ses lieutenants, fusillé le 30 mars 1944.

(13). La légende veut que les « 31 d’Eure-et-Loir » aient été accompagnés par l’abbé Franz STOCK (1904-1948) qui exerça effectivement son ministère auprès de nombreux fusillés et prit de 1945 à 1947 la direction du Séminaire des Barbelés au Coudray près de Chartres où furent regroupés des séminaristes allemands prisonniers de guerre.

(14). Là encore, la légende prend le pas sur la réalité : la Gestapo n’est pas présente en Eure-et-Loir ; les services allemands sont ceux du SIPO-SD (Sicherheitspolizei).

(15). A Courville-sur-Eure, le quartier de l’Eolienne compte aujourd’hui trois voies qui portent le nom de résistants locaux : Maurice CARTRON, Paul ESPERET et Simone SEGOUIN. La municipalité a décidé le 12 septembre 2016 de la dénomination de deux nouvelles voies qui porteront les noms de Maurice DUMAIS et Roger SAGET.