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Henri Emile Jean de MONTANGON est né à Paris le 31 janvier 1915, il est le fils de Jean de MONTANGON (1882-1927) et Julia FERRER y PICABIA (1885-1918). Orphelin à l’âge de douze ans, Jean de MONTANGON est élevé par une de ses tantes.
Elève à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, il est de la promotion du Soldat Inconnu (1936-1938). Parmi ses camarades de promotion figurent Alain de BOISSIEU (officier de la 2e D.B., un des acteurs de la prise du Palais du Luxembourg le 25 août 1944, gendre de Charles De GAULLE) et Jean-Louis GAROT (Commandant du Squadron 342 « Lorraine »).
Quand la guerre éclate, il sert au 60e Régiment d’Infanterie de Besançon, « L’As de Coeur », sous les ordres du lieutenant-colonel DESCHARD.
Le 15 mai 1940, le lieutenant de MONTANGON est désigné pour constituer une compagnie antichar.
Le 4 juin, la compagnie reçoit l’ordre de se replier, sans avoir combattu. Dix jours plus tard, MONTANGON franchit la Seine près de Romilly-sur-Seine.
Les Allemands sont déjà devant. MONTANGON engage le combat avec les deux pièces dont il dispose. La riposte provoque la débandade de la compagnie.
MONTANGON est fait prisonnier le 15 juin.
Le 15 juillet, avec un compagnon parisien, il s’évade de la colonne de prisonniers qui quitte le camp provisoire de Romilly-sur-Seine.
Le 25 juillet, Jean retrouve la résidence familiale de Fontaine-la-Guyon en Eure-et-Loir, occupée par les Allemands. Là vivent son épouse,
Claire de La TAILLE de TRETINVILLE, et leur fille Françoise, sa tante et son oncle, deux demoiselles : Hélène et Marguerite.
A la fin d’octobre 1940, il passe en zone libre à Montceau-les-Mines grâce à un passeur qu’il paie mille francs.
Il rejoint l’armée d’armistice à Lyon le 11 novembre. Il est affecté à Oujda, au Maroc à compter du 3 janvier 1941.
En octobre 1941, il effectue un stage à l’Ecole Nationale des Cadres d’Uriage, dirigée par le capitaine de SEGONZAC (1).
Il rejoint ensuite le Maroc où il reçoit le commandement d’une compagnie.
MONTANGON s’intéresse beaucoup à la culture de ses hommes qui lui accordent un profond respect, au point de lui proposer sa conversion à l’Islam.
Désigné comme instructeur à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr en août 1942, il rejoint Aix-en-Provence où l’institution s’est repliée.
Les vingt-cinq élèves de sa section l’ont surnommé « Le Guerrier ».
Le 11 novembre 1942, en réponse au débarquement des Américains en Afrique du Nord, les Allemands envahissent la zone libre.
Le 4 décembre, Les 652 élèves-officiers de Saint-Cyr sont placés en congé d’armistice.
Jean de MONTANGON rentre à Fontaine-la-Guyon et, le 28 décembre, lance une invitation à ses anciens élèves au restaurant des Ministères,
tenu par la mère d’un de ses amis, Jean GARDES (2)
(ce restaurant, situé rue du Bac à Paris deviendra un relais important de l’organisation).
En février 1943, MONTANGON retrouve SEGONZAC à Paris et rallie l’O.R.A., l’Organisation de Résistance de l’Armée.
Le commandant COGNY (3), adjoint du général VERNEAU (4),
chef de l’O.R.A. propose à MONTANGON d’utiliser ses cyrards comme agents de liaison entre la direction de l’O.R.A. et ses correspondants partout en France.
MONTANGON est placé sous les ordres du commandant du GARREAU (5).
Les 14, 15 et 16 mai 1943, MONTANGON réunit ses hommes à Fontaine-la-Guyon. Le noyau initial du groupe (Jacques de BARRY (6), Jean DUHIL de BENAZE (7), Bertrand PIERRE-DUPLAIX (8) et Jean de SESMAISONS (9)) devient le groupe Du Guesclin et prête le serment de Fontaine (10).
Le 16 mai 1943, MONTANGON opère un lever des couleurs dans le parc du château en présence du maire de Fontaine-la-Guyon.
Le groupe Du Guesclin s’étoffe de nouvelles recrues qui forment le corps-franc LIENART, pseudonyme de Jean de MONTANGON. L’équipe de MONTANGON comptera 25 hommes au total. Huit de ces hommes constituent le « Groupe des agents de liaison de l’état-major national de l’O.R.A. ».
Octobre 1943 voit l’arrestation de VERNEAU, COGNY et CANO (11). MONTANGON organise une veillée à l’Arc-de-Triomphe où l’O.R.A. est ainsi présente jusqu’au couvre-feu.
Fin mars 1944, REVERS (12), chef de l’O.R.A. décide d’installer son P.C. à Villefranche-de-Rouergue. Jean de MONTANGON passe à la région de Paris et représente l’O.R.A. au sein des F.F.I. sous l’autorité de Pierre LEFAUCHEUX (13) alias « Gildas ».
REVERS charge MONTANGON de dissimuler les archives politiques de l’O.R.A. (chez Mme d’OILLIAMSON (14), 102 rue de Grenelle). Dans sa responsabilité de chef des liaisons des F.F.I., MONTANGON organise une rencontre entre REVERS et le délégué militaire national : CHABAN (15) puis le 3 juin 1944, une réunion présidée par Pierre LEFAUCHEUX au n°288 rue de Sèvres. Onze personnes sont présentes, parmi elles : Marc du GARREAU et Pierre THOMAS. LEFAUCHEUX expose les profonds désaccords qui l’opposent à ROL-TANGUY (16), rencontré le matin même, puis donne ses instructions pour les actions militaires à mener. La Gestapo surgit et arrête l’ensemble de l’assistance. Au total, une cinquantaine d’agents de l’O.R.A. tombent dans les heures et les jours qui suivent.
Les interrogatoires se succèdent quand survient l’attentat du 20 juillet 1944 contre HITLER. L’échec de l’Opération Walkyrie donne lieu à des représailles terribles.
OBERG, responsable des S.S. pour le secteur de Paris, étend cette répression aux officiers français arrêtés :
MONTANGON et LEFAUCHEUX ainsi que trois autres prisonniers doivent être fusillés Place de la Concorde.
L’intervention de Mme LEFAUCHEUX transforme cette condamnation à mort en une peine de travaux forcés.
Jean CHAVANE de DALMASSY (17), Jean de MONTANGON, Marc du GARREAU, Pierre LEFAUCHEUX,
Pierre THOMAS (18) sont déportés le 15 août 1944 par le convoi à départ de la gare de Pantin
et parviennent à Buchenwald le 20 août.
Jean de MONTAGON reçoit le matricule 77467 ; il est affecté au kommando de Langenstein, dans les collines du Harz le 26 septembre 1944.
A partir du 9 avril 1945, MONTANGON connaît les marches de la mort et douze jours plus tard parvient à quitter la colonne près de Jessen.
« LIENART » est pris en charge par l’armée américaine avant d’être rapatrié en France et de rentrer chez lui après un bref passage à l’Hôtel Lutetia.
Jean de MONTANGON, très impliqué dans les instances de l’UNADIF (Union Nationale des Déportés Internés et Familles de disparus), a également rédigé un livre de souvenirs intitulé « Un Saint-Cyrien des années 40 ». Il y expose son parcours, notamment ses émotions avant son retour en France : « Je regrettais tout de même de traverser, sans voir aucun visage, cette cité endormie bien poétique après les baraques et les miradors de Buchenwald. Le contraste entre l’image paisible de ces maisons, les premières que je voyais en Allemagne, et les sentiments de haine dont j’étais habité depuis mon enfance me troublait profondément. 1815, 1870, 1914, 1940, c’était trop, ces Allemands, sans distinction d’origine ou de religion nazie comprise n’étaient bien pour moi jusque-là que des " Boches " »
Jean de MONTANGON est décédé le 17 octobre 1996 à Fontaine-la-Guyon où ses obsèques ont lieu le 21 octobre. La commune a depuis dénommé une allée du nom de « Jean de MONTANGON ».
Dans son ouvrage consacré à l’O.R.A., le colonel de DAINVILLE note que pour la première année du service mis en place par Jean de MONTANGON, et pour un effectif permanent moyen de huit agents de liaisons, 170 missions ont été accomplies hors de Paris pour un total de 160.000 kilomètres, auxquels s’ajoutent 40.000 kilomètres effectués pour les missions dans Paris.
Augustin OUDOT de DAINVILLE dresse le bilan des pertes subies par le corps-franc LIENART :
Morts au combat :
- FAUTHOUX Jean
- PIERRE-DUPLAIX Bertrand
Morts en déportation :
- De MALEZIEU Jean
- Du GARREAU Marc
- THOMAS Pierre
Déportés rentrés :
- CHAVANE de DALMASSY Jean
- CLAIRIN Luc
- De BARRY Jacques
- De MONTANGON Jean
- De SESMAISONS Jean
- MORIN Jacques
(1). Pierre DUNOYER de SEGONZAC (1906-1968), capitaine de cavalerie, directeur de l’Ecole nationale des cadres d’Uriage créée par le Régime de Vichy et qui devient un important vivier de résistance. Pierre de SEGONZAC devient un des responsables des maquis du Tarn.
(2). Jean GARDES (1914-2000), Saint-Cyrien, participe à la campagne d’Italie dans une unité de Tirailleurs marocains, grièvement blessé en 1944, sert en Indochine puis en Algérie, un des acteurs du Putsch d’Alger en 1961 et par la suite une des figures majeures de l’O.A.S. (Organisation de l’Armée Secrète).
(3). René COGNY (1904-1968), polytechnicien, prisonnier de guerre évadé, un des responsables de l’O.R.A., déporté à Buchenwald le 12 mai 1944, enregistré sous le matricule 51655 et affecté à Dora, libéré à Bergen-Belsen. Le général COGNY, surnommé par ses hommes le « général Vitesse » est mort dans un accident d’avion en 1968.
(4). Jean-Edouard VERNEAU (1880-1944), polytechnicien, colonel en 1940, un des fondateurs de l’O.R.A., déporté à Buchenwald le 12 mai 1944, enregistré sous le matricule 51645 et mort au camp le 15 septembre 1944, promu général de division à titre posthume.
(5). Marc du GARREAU de la MECHENIE (1907-1945), Saint-Cyrien, responsable de l’O.R.A. pour la région parisienne, chef d’état-major des F.F.I. pour l’Ile-de-France, déporté à Buchenwald le 15 août 1944, enregistré sous le matricule 76972 et affecté à Dora, mort d’épuisement à Ellrich le 27 janvier 1945.
(6). Jacques de BARRY (1922-2003), Saint-Cyrien, agent de liaison de l’O.R.A., arrêté en février 1944, déporté le 27 avril 1944 par le « Convoi des Tatoués » à destination d’Auschwitz, enregistré sous le matricule 185386, dirigé sur Buchenwald puis Flossenburg, libéré à Dachau le 29 avril 1945.
(7). Jean DUHIL de BENAZE (né en 1923), Saint-Cyrien, agent de liaison de l’O.R.A., adjoint du chef départemental de l’O.R.A. pour les Côtes d’Armor.
(8). Bernard PIERRE-DUPLAIX (1923-1944), Saint-Cyrien, promotion « Croix de Provence », agent de liaison de l’O.R.A., commandant le 21e Bataillon F.F.I. d’Auvergne, tué au combat dans le Doubs le 20 novembre 1944.
(9). Jean de SESMAISONS (1924-1948), Saint-Cyrien, promotion « Croix de Provence », agent de liaison de l’O.R.A., arrêté le 8 février 1944, déporté à Buchenwald le 12 mai 1944, enregistré sous le matricule 49415 et affecté à Wieda, puis à Dora, tué au combat en Indochine le 5 janvier 1948.
(10). Texte du serment de Fontaine : « Je m’engage à servir la France de toute mon âme et de toutes mes forces sous les ordres du chef du groupe Du Guesclin jusqu’à ce que les Allemands soient boutés hors de France »
(11). Pierre CANO (1906-1945), Saint-Cyrien, camarade de promotion de Marc du GARREAU, un des organisateurs de l’O.R.A. aux côtés du colonel VERNEAU, arrêté le 14 janvier 1944, déporté le 27 avril 1944 par le « Convoi des Tatoués » à destination d’Auschwitz, enregistré sous le matricule 185217, dirigé sur Buchenwald puis Flossenburg, mort au cours du transfert au camp de Kamenz le 27 janvier 1945.
(12). Georges REVERS (1891-1974), ingénieur, officier de réserve resté dans l’armée après la 1e Guerre mondiale, membre de l’O.R.A., prend la succession de VERNEAU après son arrestation en 1943.
(13). Pierre LEFAUCHEUX (1898-1955), « Gildas », ingénieur, responsable O.C.M., commandant militaire des F.F.I. de la région Ile-de-France, déporté à Buchenwald le 15 août 1944, enregistré sous le matricule 77497 et affecté à Dora, ramené à Buchenwald le 3 septembre 1944 puis en France pour complément d’enquête, et finalement libéré par l’avancée alliée, responsable de la Régie Renault (1945-1955), Compagnon de la Libération.
(14). Agnès d’OILLIAMSON (1895-1986), héberge des agents de l’O.R.A. Sa fille, Jane d’OILLIAMSON (1920-1997), membre de l’O.R.A., est déportée à Ravensbrück.
(15). Jacques DELMAS dit « CHABAN-DELMAS » (1915-2000), « Chaban », « Arc », diplômé de Sciences-Politiques, officier de réserve, agent du Réseau Hector puis de l’O.C.M., employé au Ministère de la Production industrielle, fournit des renseignements sur la situation économique, chargé de résoudre le problème des finances de la Résistance, crée avec Michel DEBRE le Comité de financement intérieur de la Résistance (COFI), nommé délégué militaire national, un des acteurs de la libération de Paris, Compagnon de la Libération.
(16). Henri TANGUY dit « ROL-TANGUY » (1908-2002), « Rol », ouvrier métallurgiste, militant communiste, membre des Brigades Internationales en Espagne, représentant des F.T.P. à l’état-major F.F.I. de la Région P, commandant militaire des F.F.I. de la région Ile-de-France, un des acteurs de la libération de Paris. Compagnon de la Libération.
(17). Jean CHAVANE de DALMASSY (1924-2006), agent de l’O.R.A., déporté à Buchenwald le 15 août 1944, enregistré sous le matricule 77466 et affecté à Dora, libéré à Ellrich le 30 avril 1945.
(18). Pierre THOMAS (1922-1945), « Thierry », agent de liaison de l’O.R.A. déporté à Buchenwald le 15 août 1944, enregistré sous le matricule 76973 et affecté à Dora, mort d’épuisement à Ellrich le 12 février 1945.
Michèle et Jean-Paul COINTET, Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, Editions Tallandier, 2000
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre Mémorial des déportés de France, Editions Tirésias, 2004
Colonel Augustin de DAINVILLE, L’O.R.A., la résistance de l’armée, Editions Lavauzelle, 1974
Jean de MONTANGON, Un Saint-Cyrien des Années 40, Editions France-Empire, 1987
Merci à Anne et Mathieu pour leurs conseils clairvoyants
Merci à Myriam, Vanessa, Pascal et Gwenaëlle pour les ressources documentaires
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