> Manifestations > Jean BERTOTTO - Garland PAGE (2014)
« De guerre en guerre, tout s’efface.
Mais qu’un seul mort soudain se dresse au milieu de notre mémoire
Et nous vivons contre la mort, nous nous battons contre la guerre,
nous luttons pour la vie »
Paul Eluard
A Michel BLAISE (1931-2021)
Texte mis à jour le 11 août 2021
En 2008, en relation avec Jean-Paul SORAND, alors Maire de Châtaincourt, nous avions reconstitué les événements qui avaient conduit à la mort de Jean BERTOTTO. Depuis, nos recherches se sont poursuivies et ont permis de présenter en 2014 un nouvel hommage enrichi de l’identification du mystérieux aviateur. Aujourd’hui, en 2021, nous apportons de nouveaux éléments.
Le 14 août 1944, trois jours après le massacre de Neuville-les-Bois, un aviateur en détresse se jette en parachute au-dessus du fonds de Majainville. Deux hommes l’ont vu tomber : Jean BERTOTTO, employé à la ferme BETRON, et son ami Gaston GUIOT de la fonderie de Saulnières.
Jean Fernand BERTOTTO est né à Lyon le 7 octobre 1919. A compter de mars 1938, il est employé comme ajusteur puis comme perceur par la Société des Moteurs Gnome et Rhône ; il travaille dans l’usine du Boulevard Kellermann à Paris. Le 29 novembre 1941, à Cachan (actuel Val-de-Marne), Jean épouse Ferdinande PALACIO. En 1944, le couple se réfugie à Saulnières où sa mère, veuve, remariée à M. QUERRON, tient un café-auberge. En juin, à Crécy-Couvé, Ferdinande donne le jour à un petit Jean-Pierre.
Gaston GUIOT, d’un an plus jeune, marié lui aussi, loge chez les QUERRON. Avec son copain Jean, il fait souvent des balades à vélo. Des moments agréables, même si la chaîne du vélo de Gaston n’arrête pas de sauter. Ce 14 août, ironie du destin, Gaston a emprunté le vélo de sa femme.
Les deux hommes décident rapidement d’aller secourir l’aviateur. Ils récupèrent des effets civils et foncent vers le bois de Majainville. Retrouver cet ami libérateur, l’aider à se cacher, dans le bois, dans une ferme proche… Ils verront bien. Et puis, les Américains ne sont plus très loin maintenant… De fait, des éléments de la 3e armée du général PATTON seront là le lendemain, 15 août.
Mais, les Allemands, stationnés non loin de là, ont eux aussi vu tomber le parachutiste. Alors qu’ils arrivent sur le point de chute, Jean et Gaston sont surpris par l’arrivée d’un side-car qui ouvre le feu. Les balles sifflent. Les deux hommes s’efforcent d’échapper à leurs poursuivants et s’enfuient dans la direction des Bretonnières. Gaston passe à la hauteur de la ferme de Marcel ALLEAUME. Là, il jette son vélo dans les ronces et se cache dans une grange en ruines. Les Allemands ne l’ont pas vu et, ce jour là, la chaîne n’a pas sauté : il est sauvé.
Jean BERTOTTO, lui, n’atteint pas la ferme. La patrouille l’a rattrapé.
Brutalisé, il est ramené jusqu’au fonds de Majainville.
Là, les Allemands l’exécutent sommairement et dissimulent le corps.
Le soir même, les troupes d’occupation quittent la région.
Le lendemain, 15 août, Jeanne QUERRON cherche son fils partout.
Jean est finalement retrouvé sous des gerbes de blé.
Il porte des traces de balles au côté et dans la tête.
Il est enterré à Saulnières le 18 août.
En 1945, le corps de Jean est exhumé et transféré au cimetière de Montreuil; il y repose aux côtés de son beau-frère, Alfred PALACIO, également employé de la Société des Moteurs Gnome et Rhône, mortellement blessé le 19 août 1944 dans les combats pour la Libération de Paris.
Soixante-dix ans plus tard, il est enfin possible de relier l’histoire de Jean BERTOTTO avec celle du mystérieux aviateur.
Le 14 août 1944, un groupe de chasseurs P51 Mustang sous les ordres du Major Robert SEPHENS du 355th Fighter Squadron de la 9e Air Force harcèle des colonnes allemandes qui se replient aux abords de Paris. L’un des appareils, piloté par le 2nd Lieutenant Garland Naaman PAGE est accroché par un tir de défense anti aérienne. Encadré par ses équipiers, Garland PAGE essaie de rejoindre les lignes alliées mais le moteur s’arrête : le pilote s’éjecte de l’appareil. le Major STEPHENS vient d’enregistrer la première perte du groupe, il est 18h45. L’avion s’est écrasé à la frontière de Saulnières et Crécy-Couvé.
Capturé, Garland PAGE est envoyé au Stalag Luft 1 dans le nord-est de l’Allemagne. Le camp est libéré par l’Armée Rouge le 1er mai 1945. Les prisonniers sont évacués par voie aérienne, regroupés au camp « Lucky Strike » près du Havre et rapatriés aux Etats-Unis. Le Lieutenant PAGE participe à la Guerre de Corée et termine sa carrière avec le grade de Lieutenant-Colonel. Originaire de Floride, Garland Naaman PAGE etait né en 1921. Disparu le 20 avril 2005, il repose au cimetière militaire d’Arlington en Virginie.
Documents : Jean-Pierre BERTOTTO – Xavier MELLARD – Jean-Paul SORAND
Remerciements à Laurent AUGRAS, Maire de Châtaincourt qui nous a conviés aux cérémonies du 70e Anniversaire,
à Dominique GUYOT de l’Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA,
à Jean-Paul BOUCHON du Souvenir Français,
à Jean-Philippe DUTHIER avec qui nous avons commencé cette aventure il y a vingt ans.
A propos des cérémonies commémoratives du 15 août 2014.
On pourra s’étonner que la presse locale n’en ait pas parlé.
L’explication est hélas des plus simples : Le journaliste qui rend compte des commémorations qui se déroulent à Châtaincourt n’assiste qu’à la première partie de la cérémonie puis,
rapidement, s’en va. Il rédige ensuite un article qui est, en grande partie, la copie de l’article de l’année précédente en donnant, grâce aux termes utilisés,
l’impression qu’il a couvert l’événement dans son intégralité. Jointe à ce sujet, la rédaction locale nous a répondu qu’il ne s’agissait pas d’un « vrai » journaliste…
Nous voilà pleinement rassurés !