Logo et bannière du site A.R.M.R.E.L.

> Biographies > C > Maurice CLAVEL

Maurice CLAVEL (1920-1979) – « SINCLAIR »

Photographie de Maurice CLAVEL

Né à Frontignan le 11 Novembre 1920, Maurice est le fils de Jean CLAVEL, pharmacien, et de Marie MASSONAUD. En 1923, les CLAVEL s’installent à Sète. Jean est la fierté de sa mère. Dès les bancs de l’école communale, le jeune garçon est un élève brillant et collectionne les exploits scolaires.
L’adolescent connaît l’effervescence des années du Front Populaire… dans une ambiance familiale qui le porte à soutenir le Parti Populaire Français créé par Jacques DORIOT (1). CLAVEL n’a pas seize ans quand il entre en khâgne au Lycée Henri IV. Anticonformiste, désordonné mais formidablement doué, l’étudiant fait de « La critique de la raison pure » d’Emmanuel KANT son livre de chevet. Reçu à l’Ecole Normale Supérieure en 1938, CLAVEL intègre l’école de la rue d’Ulm où il fréquente Jean-Toussaint DESANTI (2) et le maurrassien Pierre BOUTANG (3).

En 1939, au moment de la mobilisation générale, il est professeur intérimaire de philosophie au Lycée de Nîmes avant de rejoindre Normale Supérieure qu’il quitte en juin 1940 pour revenir à Sète. Sous la pression paternelle, il réintègre l’Ecole Normale en 1942. Il obtient un certificat de morale et sociologie à Montpellier et une agrégation de philosophie en 1942.

Séduit par les thèses de Jacques DORIOT, Maurice CLAVEL distribue à Sète des tracts du PPF : ce sont des temps de doute où CLAVEL rejoint les Compagnons de France et anime les camps-écoles. Cet éphémère espoir d’un redressement du pays tel qu’envisagé par PETAIN précède un revirement rapide et radical. BOUTANG, maurrassien nommé au Secrétariat de l’Instruction Publique, demande à CLAVEL de le rejoindre à Vichy. Là, CLAVEL perd ses illusions : PETAIN est un vieil homme fatigué qui est prêt à tout céder aux hitlériens. Maurice CLAVEL fait le choix de la Résistance.

En juin 1942, CLAVEL se présente à l’industriel Pierre LEFAUCHEUX (4) qui le dirige vers Claude BELLANGER (5) et Maurice assure rapidement une partie de la rédaction des cahiers de l’OCM, fondés par Maxime BLOCQ-MASCART (6). L’intellectuel souhaite associer la pensée à l’action et c’est alors Marc O’NEIL qui le charge de contacter des résistants potentiels et d’organiser des transports d’armes dans Paris. Ses activités l’amènent à convoyer vers l’Espagne des réfractaires au STO.
En août 1943, BLOCQ-MASCART lui confie une mission à Madrid : démêler les intrigues giraudistes… Le résultat est peu convaincant : CLAVEL passe alors pour anti-gaulliste. C’est la rupture avec l’OCM puis le passage à Combat aux côtés de Claude BOURDET (7). CLAVEL intègre l’équipe d’Albert CAMUS à la rédaction du journal Combat et travaille avec le graphiste Maximilien VOX (8).

C’est là qu’il rencontre Simonne FAVRE-BERTIN, alias Silvia MONFORT. La jeune femme a vingt ans, elle est mariée à Flavien MONOD, le fils aîné de Maximilien VOX, et vient de jouer au cinéma dans Les Anges du Péché de Robert BRESSON. Maurice et SILVIA tombent éperdument amoureux et s’enfuient. CLAVEL doit quitter Combat.

C’est un couple romanesque et désespéré qui croise le chemin de Marc O’NEIL, devenu le bouillant DMR de la Région P2 : CLAVEL reçoit le commandement du département d’Eure-et-Loir, une région dont il ignore tout… mais qu’il associe à Chartres et à sa cathédrale. CLAVEL, accompagné de Silvia, est accueilli par le Docteur CARLOTTI d’Auneau aux premiers jours du printemps 1944. Débordant d’activité, sillonnant le département à bicyclette, les deux jeunes gens font preuve d’un enthousiasme proche de la témérité d’autant que la chevelure blonde de Silvia ne passe pas inaperçue. Pierre JULY, le résistant drouais, lui aurait adressé cet avertissement :
« Choisissez ! Vos cheveux ou votre tête ! »
et Silvia lui aurait répondu :
« Mais pourquoi ? Il ne m’arrivera rien ! »

Cliché de Maurice CLAVEL et Silvia MONFORT
Maurice CLAVEL et Silvia MONFORT
(Cliché pris début août 1944 par Félix BACCHI
dans le parc de la Villa CHARPENTIER à Chassant, Eure-et-Loir)
- Transmis par Eric SANTIN -

Devenu le commandant SINCLAIR (du nom de la colline de Saint-Clair à Sète), CLAVEL a pour mission d’unifier les forces de la Résistance dans le département. Lourde tâche où il faut tenir compte des ambitions des uns et des réticences des autres, sans oublier les querelles de clocher et CLAVEL ne réussit pas à étendre son autorité sur l’ensemble des groupes; les formations FTP d’Armand RELAUT et Maurice ROQUET gardent une autonomie presque totale.

Peu avant le débarquement, Fred GUEZE ramène en Eure-et-Loir Roland FARJON, responsable de l’OCM fraîchement évadé. CLAVEL pense céder son commandement à FARJON, une figure déjà illustre du mouvement et un homme d’action, mais FARJON refuse et demande un groupe franc. CLAVEL confie au Capitaine « Yves » un groupe en forêt de Senonches.

Le 11 août, les maquisards de Plainville, le coeur de l’appareil militaire dont dispose CLAVEL, placés sous le commandement de Gabriel HERBELIN, le Capitaine « DUROC », montent sur Nogent le Rotrou. Là, de violents combats opposent les groupes de SINCLAIR aux troupes allemandes, mais la ville est libérée par les FFI sans l’aide des Alliés. Quelques jours plus tard, la colonne monte sur Chartres où elle est de nouveau durement éprouvée, notamment à l’entrée de Luisant. Maurice CLAVEL s’en veut; il est, comme la plupart des jeunes hommes qu’il commande trop enthousiaste face à des unités ennemies déterminées et aguerries. Mais Chartres est libérée et, le 23 août, le Commandant SINCLAIR accueille le Général de GAULLE à Chartres ; une estime réciproque liera les deux hommes.

Cliché de Maurice CLAVEL et Charles De GAULLE
Maurice CLAVEL et Charles De GAULLE
sur le parvis de la cathédrale de Chartres le 23 août 1944
- Cliché transmis par Christophe CLAVEL -

Le 25 août 1944, ces mêmes FFI sont à Paris ; ils ont fait leur jonction avec les hommes de Marc O’NEIL, et participent aux combats pour la prise du Luxembourg. C’est là que Jules MARTINET, un des précieux officiers de la Résistance d’Eure-et-Loir, est tué.

L’épopée héroïque de Maurice CLAVEL, restituée dans « Le Temps de Chartres » en 1960, s’achève avec la libération de Paris. Il rejoint les cercles littéraires et artistiques et met sa plume au service du journal Combat, de l’Epoque, puis devient rédacteur en chef de l’Essor.

L’intellectuel hors-pair, choqué par les excès vengeurs qui suivent la Libération, et se souvenant de la difficulté de ses propres choix, demande la grâce pour Pierre DRIEU LA ROCHELLE (9) et Robert BRASILLACH (10), se montrant partisan d’une épuration juste et mesurée.

En 1948, il épouse Silvia MONFORT ; le couple se sépare en 1951 mais leur collaboration perdure et en 1966, la comédienne joue Electre de SOPHOCLE sur une adaptation de CLAVEL.


Maurice CLAVEL, est aussi, avec Jean VILAR, un des artisans du Festival d’Avignon. Auteur de plusieurs pièces de théâtre, romancier, journaliste (Le Nouvel Observateur, Combat), il s’illustre surtout comme un écrivain polémiste brillant.

Le 13 décembre 1971, CLAVEL est l’invité de l’émission télévisée « A Armes égales » où il est opposé au député Jean ROYER.
CLAVEL dénonce le poids de la censure exercée par le régime du Président POMPIDOU… Censure dont il est victime puisqu’un film dont il est l’auteur a été amputé d’un mot dérangeant.
Au final, CLAVEL quitte brusquement le plateau en lançant un « Messieurs les censeurs, bonsoir ! » devenu légendaire.

Installé à Asquins, près de Vézelay, Maurice CLAVEL y meurt le 23 Avril 1979, terrassé par une crise cardiaque. Il est inhumé à Vézelay.

(1). Jacques DORIOT (1898-1945), exclu du PCF en 1934, il fonde le Parti Populaire Français, collaborateur ardent, lieutenant dans la LVF, il meurt en Allemagne.
A signaler une remarquable biographie de Jean-Paul BRUNET, parue en 1986.

(2). Jean-Toussaint DESANTI (1914-2002), philosophe, membre du Parti Communiste clandestin en 1943.

(3). Pierre BOUTANG (1916-1998), philosophe, maurassien, proche du Général GIRAUD.

(4). Pierre LEFAUCHEUX (1898-1955), industriel, membre de l’OCM, arrêté et déporté à Buchenwald, PDG de Renault après la guerre.
Compagnon de la Libération.

(5). Claude BELLANGER (1910-1978), journaliste, un des fondateurs du quotidien Le Parisien Libéré.

(6). Maxime BLOCQ-MASCART (1894-1965), un des dirigeants de l’OCM, membre du Conseil National de la Résistance.

(7). Claude BOURDET (1909-1996), un des fondateurs de Combat, membre du Conseil National de la Résistance, arrêté et déporté à Sachsenhausen.
Compagnon de la Libération.

(8). Maximilien VOX (1894-1974), de son vrai nom Samuel MONOD, frère de Théodore MONOD, imprimeur et graphiste, créateur en 1938 du logo de la SNCF.

(9). Pierre DRIEU-La-ROCHELLE (1893-1945), écrivain engagé dans la Collaboration, il se suicide en 1945.

(10). Robert BRASILLACH (1909-1945), journaliste, directeur de « Je Suis partout », condamné à mort et fusillé en 1945.

Sources :

- Gilles PERRAULT, La longue traque, Editions Fayard, 1975
- Eric SANTIN, Derniers Combats, Edité à compte d’auteur, 2001
- Gérard CALMETTES, Messieurs les censeurs, bonsoir ! (Maurice Clavel ou l’insurrection permanente), Editions Michalon, 2005
- Monique BEL (Secrétaire de Maurice CLAVEL), Maurice CLAVEL, Editions Bayard, 1992
- Documents transmis par Christophe CLAVEL (décembre 2010)

> Biographies > C > Maurice CLAVEL