> Biographies > M > Silvia MONFORT
Silvia MONFORT est née Simonne Marguerite FAVRE-BERTIN à Paris, au n°11 de la rue Elzévir, le 6 juin 1923. Elle est la fille du sculpteur Charles FAVRE-BERTIN. Très tôt orpheline de mère, Silvia est pensionnaire, déjà passionnée par le théâtre : le refuge de sa solitude. De brillantes études secondaires mènent Silvia à un baccalauréat obtenu à quatorze ans et même si son père a pour elle d’autres projets, elle n’en a qu’un : le théâtre.
1943 voit ses débuts au cinéma, sous la direction de Robert BRESSON qui choisit – croit-il – une comédienne amateur pour un rôle dans « Les Anges du Péché ». Silvia est alors, déjà, mariée avec Flavien MONOD, fils du graphiste Maximilien VOX.
VOX travaille avec Albert CAMUS à la rédaction du journal clandestin Combat; c’est dans cet entourage qu’elle découvre l’univers de la Résistance intellectuelle et rencontre Maurice CLAVEL : « Quand on rencontre un si beau jeune homme, comment résister ? J’étais amoureuse ! » (1). Coup de foudre, passion romanesque sévèrement condamnée par leur supérieur Claude BOURDET : les deux amants s’enfuient et trouvent refuge auprès de Marc O’NEIL.
Au printemps 1944, à l’approche des combats de la Libération, Marc O’NEIL, fringuant Délégué Militaire de la Région P2 cherche un chef pour les différentes factions de l’Eure-et-Loir : il confie cette tâche à CLAVEL, ou plutôt au Commandant « SINCLAIR », un normalien de 23 ans, dépourvu de toute instruction militaire mais doué d’un enthousiasme à toute épreuve. CLAVEL part avec une carte Michelin, cinq mille francs et un paquet de Lucky Strike « pour son impure compagne » (2). Le premier contact de cet étrange équipage avec l’Eure-et-Loir se fait à Auneau, chez Jean-Pierre CARLOTTI : « CLAVEL avait des pantalons effilochés, Silvia MONFORT était vêtue d’un tapis et d’une jupette, avec des sandales grecques à lanière. Tout cela était très sympathique et très voyant » (3).
Très vite, le jeune couple communique sa fougue, multipliant les missions à vélo dans tout le département et au-delà, recrutant et coordonnant les hommes, réceptionnant les précieux parachutages promis par O’NEIL, préparant l’action avec l’appui des cadres locaux : Gabriel HERBELIN, Omer JUBAULT, Pierre JULY… Enthousiasme, impétuosité, témérité, les jeunes gens, hébergés de ferme en ferme, ne peuvent passer inaperçus, et Silvia, farouche amazone à l’incroyable chevelure, moins que quiconque. Pierre JULY, craignant pour la sécurité de la jeune femme, l’exhorte à la prudence : « Choisissez ! Vos cheveux ou votre tête ! ». Rien n’y fait et Silvia répond : « Mais pourquoi ? Il ne m’arrivera rien (4) ».
Pierre JULY a pleinement raison de s’inquiéter : la Gestapo n’ignore pas qu’une femme blonde est impliquée dans des actions de résistance et que, de toute évidence, sa capture les rapprocherait des responsables de l’action clandestine. Cela, Silvia ne l’ignore pas, et, de fait, plusieurs femmes, blondes, seront inquiétées.
Le 11 août 1944, c’est l’insurrection : le maquis s’empare de Nogent-le-Rotrou sans le secours ou presque des alliés. L’enthousiasme de CLAVEL mène les troupes à monter sur Chartres, aux côtés des Américains. Le 16 août 1944, aux portes de Luisant, les résistants connaissent des pertes sévères. Le 19 août, les Allemands capitulent mais les tués se comptent par dizaines.
Le 23 août, Maurice CLAVEL et Silvia accueillent le Général De GAULLE à Chartres, moment d’intense émotion avant d’entreprendre le lendemain la montée sur Paris qui se bat. Le 25 août, au matin, les groupes d’Eure-et-Loir qui ont retrouvé ceux de Marc O’NEIL, se lancent à l’assaut du Palais du Luxembourg. On retrouve Silvia dans Paris, déterminée, l’arme au poing. Le soir, Paris est libéré, l’aventure de la Résistance s’achève pour CLAVEL et sa compagne, la légende de cette épopée romanesque commence…
Un an plus tard, le 19 août 1945, Silvia MONFORT reçoit la Croix de Guerre, associée à une citation à l’Ordre de l’Armée :
« Agent de liaison du Commandant SINCLAIR, a assuré d’avril à août 1944 toutes les liaisons départementales des F.F.I. d’Eure-et-Loir,
prenant elle-même à sa charge les transports les plus compromettants, et a effectué personnellement des destructions et des sabotages importants,
a participé […] à toutes les opérations de libération, portant les ordres à travers les éléments ennemis,
d’un courage extraordinaire a fait personnellement le coup de feu au cours de ses missions. »
Silvia n’oublie pas l’Eure-et-Loir et ses camarades tombés devant Chartres. Le 9 janvier 1945, à Dreux, elle joue « Jeanne d’Arc » de Charles PEGUY au bénéfice des familles des combattants tués dans les combats de la Libération. Elle publie en 1946 un roman autobiographique intitulé « Il ne m’arrivera rien ».
Le 6 juillet 1947, Silvia est de nouveau en Eure-et-Loir pour l’inauguration de la stèle du Maquis de Plainville, base logistique du groupement de Gabriel HERBELIN, le capitaine « DUROC ». Elle est accompagnée du comédien Alain CUNY.
En 1963, Francis DABLIN, vétéran de 14-18 et surtout figure marquante de la Résistance drouaise, sollicite « Madame Silvia » pour préfacer ses mémoires de guerre. La comédienne lui signe un très beau texte : « Les jours étaient trop beaux, les chaleurs prématurées, les occasions perdues, les volontés impuissantes. Beaucoup d’espoirs se fanaient sans s’être épanouis. On se demandait pourquoi ils n’avaient pas débarqué, et l’on parlait de l’année suivante en se disant qu’on n’en serait pas. […] 6/6/44, je devais avoir ce jour-là 21 ans […], je pensais aux vaillants d’âge qui depuis des années, répondant à l’appel d’un général en exil, avaient revêtu leurs uniformes. » (5)
En 1948, Silvia épouse Maurice CLAVEL. Le couple se sépare en 1951.
Le théâtre offre à Silvia une exceptionnelle carrière au Théâtre National Populaire avec Gérard PHILIPE et Jean VILAR, aux côtés de Jean-Louis BARRAULT,
de Jean-Claude DROUOT, d’Alain CUNY, de tant d’autres… Les rôles au cinéma, plus rares, sont souvent associés à Jean-Paul Le CHANOIS, son compagnon à la ville :
Eponine dans Les Misérables, Catherine Loubet dans Le Cas du Docteur Laurent.
En 1972, Silvia MONFORT ouvre le Carré THORIGNY, dans le quartier de son enfance, puis, en 1977, c’est la naissance du « Carré Silvia MONFORT » à Vaugirard. Tout au long de sa carrière, en « artiste bâtisseuse » (6), elle multiplie avec audace les adaptations des classiques et des auteurs contemporains.
Silvia MONFORT s’éteint à Paris le 30 mars 1991. Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise dans la 93e division, dans le caveau de famille surmonté d’une croix réalisée par son père. Une simple plaque rappelle le nom de la tragédienne. A chacun de leurs passages, les Sentinelles de la Mémoire y font une étape fidèle.
Le 1er décembre 1997, à Luisant, le Conseil régional du Centre baptise le nouveau lycée du nom de « Silvia MONFORT ». A cette occasion, le roman « Il ne m’arrivera rien » est réédité par la Région et offert aux élèves.
Lors de la disparition de Silvia MONFORT, la presse locale publie le détail d’une photographie prise très probablement le 23 août 1944 dans la cour de la Préfecture de Chartres. Le même cliché est publié à l’occasion du cinquantenaire de la Libération par Roger JOLY dans « La Libération de Chartres » (7).
En fait, il ne s’agit pas de Silvia mais de Françoise LENDORMY,
autre membre de la Résistance locale ayant une parfaite maîtrise de la langue anglaise et qui officie à ce moment en tant qu’interprète.
Cette confusion, bien légitime, a été admise par Roger JOLY.
En 1960, Maurice CLAVEL, devenu une figure incontournable du monde littéraire et de la pensée de son temps, publie « Le Temps de Chartres ». Ce livre est un roman, autobiographique certes, mais un roman. CLAVEL s’y met en scène, on l’y retrouve sous son pseudonyme de SINCLAIR. Plusieurs des personnages gardent leur identité ou leur pseudonyme de ce temps : ALAIN (de CAUPENE), BOIS, COLIN, DESIRE (KLEIN), DUROC, JEROME. D’autres connaissent quelques modifications, à l’exemple de « JUBEAU » qui est bien évidemment le gendarme Omer JUBAULT. Certains noms sont totalement réinventés : Pierre JULY qui devient l’avocat LUCY, Jean-Pierre CARLOTTI qui devient le docteur SARCOTTE tout en continuant d’exercer à Auneau.
Silvia MONFORT y devient DELIA, un personnage d’une fiction très imprégnée de la réalité et des souvenirs de Maurice CLAVEL mais bien une héroïne de roman.
(1). Françoise PIAZZA, Silvia Monfort, Vivre debout, Editions Didier Carpentier, 2011.
(2). Gilles PERRAULT, La Longue Traque, Editions Fayard, 1998.
(3). Gilles PERRAULT, La Longue Traque, Editions Fayard, 1998.
(4). Titre du roman écrit par Silvia MONFORT en 1946.
(5). Francis DABLIN, Les Années les plus longues, 1963 – Extrait de la préface de Silvia MONFORT.
(6). Françoise PIAZZA, Silvia Monfort, Vivre debout, Editions Didier Carpentier, 2011 – Extrait de la préface de Jean-Claude DROUOT.
(7). Roger JOLY, La Libération de Chartres, Editions du Cherche-Midi, 1994.
(8). Maurice CLAVEL, Le Temps de Chartres, Editions Julliard, 1960.
> Biographies > M > Silvia MONFORT